Le Blog

Voyage, voyage… S’il y a une activité humaine qui caractérise notre siècle, c’est peut-être celle-là. Jamais n’avaient voyagé, tous les mois de l’année et sur tous les continents, autant de voyageurs de toutes les conditions et de tous les âges qui poursuivent, chacun, leur propre aventure.

Je voyage pas mal moi-même, pour la conduite des affaires de la librairie : acheter des livres anciens, les exposer dans des salons internationaux, rencontrer des clients, etc. Et c’est en voyageant ainsi avec mes ouvrages – tel un colporteur des temps modernes - que j’ai réalisé que les vrais voyageurs sont, en fait, les livres eux-mêmes !

Il est généralement impossible de retracer le parcours d’un ouvrage depuis sa sortie des presses il y a plusieurs siècles, jusqu’à nos jours. Mais si l’on se contente de suivre lechemin des livres depuis leur incorporation dans l’inventaire de la librairie, je peux vous assurer que, bien souvent, leur compteur kilométrique n’a rien à envier à celui des globe-trotteurs les plus aguerris. Il est vrai qu’ils n’ont pas de passeport tamponné, pour la plupart. Toujours est-il qu’il ne doit pas y avoir beaucoup d’objets faits par la main de l’Homme (exception faite des objets dont le voyage est la raison d’être, comme les valises, n’est-ce pas M. Vuitton ?…) qui puissent rivaliser avec leurs pérégrinations à la surface de notre planète.

Cela fera sûrement sourciller plus d’un citoyen écoresponsable : pensez à l’empreinte carbone de ces vénérables volumes faisant du tourisme intercontinental d’un salon de bibliophilie à l’autre, comme des influenceurs sautant d’une plage de sable fin à la suivante ! Mais l’avocat de la défense nous a fait remarquer les points suivants :

• Le bilan carbone de ces grands-pères est totalement vert puisque durant la plus grande partie de leur existence ils n’ont voyagé qu’à dos d’homme (votre serviteur, le colporteur), de cheval, de carriole ou de bateau à voile.


• Ils sont intégralement fabriqués à la main, à partir de matériaux naturels.


• Ce sont des monuments d’histoire, témoins « oculaires » de notre passé, héritage de notre civilisation, messagers des siècles et icônes fétiches de notre culture. Vous en connaissez beaucoup, vous, des monuments faits à la main à partir de matériaux naturels, pesant souvent moins d’un kilo et tenant dans la paume de la main ?

Quoi qu’il en soit… figurez-vous que je suis tombé en panne de voiture, la semaine dernière. J’étais en plein cœur d’une région magnifique, la Lozère ! Et c’est en train que j’ai dû poursuivre mon voyage avec mon barda, ma valise et mes sacs de livres. C’étaient eux, les livres, les moins stressés de toute l’équipe ! Ils en avaient vu d’autres… Regardez comme il a fière allure, ce précieux document signé par Napoléon qui attend patiemment le train sur le quai !

Un train pouvant en cacher un autre, voici une question subsidiaire : puisque les livres sont faits pour voyager, que pensez-vous des lois qui prétendent en limiter la circulation au prétexte de la défense du patrimoine ? Les livres appartiennent-ils à un territoire ? Leur faut-il un passeport leur interdisant éventuellement de franchir les frontières ?

Bon week-end à tous !